Si vous avez manqué le début

Faisons un peu le point sur les connaissances que l’on peut glaner sur le « cloud computing », très différent du clown computing, spécialité française qui consiste à nous faire passer pour des bouffons la veille de la fête nationale (www.france.fr).

Au delà du concept fourre tout, traduit « toubon-nement » en « informatique dans les nuages », le « cloud computing » est le terme générique qui explique que le stockage et/ou le traitement de l’information se déroule non plus sur des serveurs localisés dans l’entreprise (« on premise ») mais « ailleurs », sur des serveurs joints par un client léger et qui n’appartiennent potentiellement pas à l’entreprise. Historiquement, les processus externes à l’informatique de l’entreprise étaient imagés par un petit nuage, qui a donné son nom au concept. Des esprits taquins diront qu’ils redoutent un « enfumage », ou bien qu’ils restent dans le « brouillard », le concept a indéniablement un potentiel comique. J’aurai préféré que les marketeux construisent une imagerie à base d’abeilles et de ruches.

Le cloud en entreprise ou l' "enterprise made of cloud"

On distingue différentes branches techniques (parfois entremêlées), fonctionelles, voire même contractuelles. En effet, la notion « as a service », comme dans l’expression » Saas », pour « Software as a service », s’applique pour un contrat pour lequel le client ne paye ni pour une infrastructure donnée (Serveurs, disque, bande passante, etc.), ni pour un logiciel donné (licence, module, jetons utilisateurs,  reporting, etc.) mais bien pour un service rendu, lequel pourra être quantifié (Nombre d’enregistrement, nombre de message, espace disque utilisé, etc.) afin d’être facturé, à l’utilisation et non plus à la capacité de traitement. Il parait intéressant de parler non pas « du » mais « des » cloud computing, on y reviendra plus bas.

Les principaux acteurs de l’informatique professionnelle investissent le domaine et propose à leurs clients … de baisser leurs coûts informatiques. Attention, le « cloud computing », c’est un peu plus que de l’infogérance.

La règle de trois n’aura pas lieu

Les clients sont plus ou moins avancés sur le grand « jeu de l’oie » des choix informatiques. Imaginons une grande « PME » de 2000 personnes qui vend du service (toute ressemblance …). Il y a 20 ans cette entreprise a informatisé  sa comptabilité générale(clients, fournisseurs), son front office (Prise de rendez vous, saisie des ordres de mission, facturation), sa gestion des ressources humaines, sa chaîne logistiques (entrepôts, livraisons).

Brique par brique, le système d’information s’est construit, le service informatique s’est étoffé, la plupart des collaborateurs ont obtenus un PC ou un accès à un PC, puis une boite mail, puis un accès à internet. Le WAN historiquement construit chez FT a été migré chez un opérateur offrant des meilleurs tarifs. Les minitels ont été remisés à la cave.

Mais le but de cette entreprise, c’est de vendre du service, et de rendre un service de qualité, ce n’est ni d’héberger une infrastructure informatique complexe ni de faire des thèses sur le « datamining ». Après quelques dossiers mémorables (passage à l’an 2000, passage à l’euro, fusion avec un concurrent etc.) les décideurs ont fait le choix d’un ERP du marché, qui sera hébergé chez un hébergeur, intégré par un intégrateur, opéré par un opérateur.  L’ERP (et ses services connexes, dont l’accès à internet,serveurs de fichiers, de mail) gère plus de 90 % des processus informatisés dans l’entreprise. La plupart des utilisateurs au sein de la société auront accès à l’ERP via un client léger sur un PC fixe ou un portable.

L’ardoise de l’infrastructure reste élevée car :

1. l’infrastructure est dimensionnée pour l’activité quotidienne et éventuellement absorber les pics avec une légère dégradation des performances (Saisie des temps le vendredi après midi, etc).

2. une partie du « savoir » a quitté l’entreprise et le fournisseur de cette compétence facture au prix fort.

Les fournisseurs de solutions techniques se transforment petit à petit en fournisseur de services, et pour aider les clients à se décider, ils proposent maintenant des solutions « packagées ». Le client n’est plus intéressé par le choix des technologies employées mais uniquement par le coût et la performance.  On parlera désormais suivant les cas d’Infrastructure, de Plateforme ou de Solution (Software) vendu comme un service (as a Service). Cet aspect est surtout contractuel et très souvent complètement déconnecté de la technologie (si ce n’est la mesure de la consommation et de la performance). Par exemple, une solution d’archivage pourrait être transférée de la SI vers un fournisseur de service tout en étant toujours opérée dans les locaux de la SI. C’est ce qui me dérange quand on emploie le terme de cloud à tord et à travers. Tout est « cloud », c’est hype et çà plait au DG, qui voit baisser ses coût salariaux.

Le CIGREF vient de sortir un rapport, que je vais commenter ci après

http://www.islean-consulting.fr/le-blog/2/cigref-impact-du-cloud-computing-sur-la-fonction-si-et-son-ecosysteme/

Tout d’abord, j’ai été agréablement surpris par la mise en page du document, synthétique et imagé, orienté pour le décideur pressé.

Le chapitre des avantages est assez consensuel, on retrouve l’agilité, la scalabilité, la modularité, l’impact bénéfique sur le budget de la DSI, résilience et robustesse, même le développement durable. Un warning sur les coûts tout de même, qui « dépendent du fournisseur » (encore heureux). On peut tout de même espérer qu’un opérateur mutualisant ses coûts arrive à dégager une marge en étant compétitif. Malheureusement, le rapport ne donne pas d’exemple :).

Dans le cadre de l’impact de ces technologies sur les relations entre la DSI et « son environnement » (sic.), l’étude se concentre sur le SaaS, arguant du fait que l’environnement n’a pas connaissance des couches basses.

Le chapitre croustillant concerne les aspects négatifs du SaaS, vu par les personnes interrogées lors de l’enquête.

1. Réversibilité incertaine (70%) : Que signifie la réversibilité dans le cadre d’une migration vers une offre SaaS ? La capacité au retour vers la solution d’origine. Quelle est la différence avec la réversibilité dans le cadre d’une migration vers une solution en licence (« sur terre ») ?  Les « techniciens » sont toujours dans les locaux. En fait les interviewés nous disent qu’ils ont peur des retours arrières, peut être même que ce chapitre n’est pas prévu au budget de leur projet.  J’aurai aimé voir la même question posée concernant les migrations vers un nouvel ERP par exemple.

2. Propriété intellectuelle et sécurité des données (70%) : C’est très intéressant que 70 % des personnes pensent que leurs données sont plus « en sureté » dans leur SI que dans l’infrastructure d’acteurs majeurs de plateformes. Il serait intéressant de poser spécifiquement la question à des RSSI pour voir ce qu’ils en pensent. Cette inquiétude explique pourquoi certains acteurs mettent l’accent en ce moment sur les plateformes privées, voire hybrides.

3. Réactivité du fournisseur en aval (60%) : Celle là, on la voyait venir. Les fournisseurs de SaaS utilisent des méthodes pour garantir la traçabilité des demandes des clients et la qualité des livraisons. La contractualisation du service va obligé les demandeurs a formaliser leur demande, et en général les durées de mise en oeuvre seront également contractualisées. Donc les demandeurs ont peur que les contrats soient mal négociés et/ou peur de ne pouvoir anticiper suffisamment pour fournir les  éléments exprimant leur besoin. Fini le temps de la maquette bricolée entre deux réunions, peu ou pas documentée. Il va falloir réfléchir à ce que l’on veut demander, c’est là le vrai changement.

4. Prévisibilité des coûts (40%) : Alors là, j’ai du mal à comprendre. Le principal intérêt de la solution, outre de réduire sa masse salariale et ses immobilisations, c’est justement de pouvoir dépenser au pro rata de l’utilisation. Donc, 40 % des interviewés ne connaissent pas l’évolution de leur business, et c’est çà qui les inquiète.


Cette enquête donne donc un portrait en creux assez intéressant. Les personnes interrogées étant à 60 % des DSI, on peut en conclure qu’ils sont globalement inquiets de la perspective induite par le « cloud ». Et on les comprend : leur influence au sein de l’environnement peut être réduite en même temps que leur budget, les gens du métier vont vouloir imposer leur choix (qui choisit salesforce.com chez vous ?), et au final il peut même être remercié et son activité reprise par le DAF (avec l’aide des juristes car les contrats de SaaS sont assez trapus). Pour défendre son steak, il doit devenir le champion des processus IT et « faire du social », du « networking », de la politique, mais il a de la chance, il y a des applications pour çà.

Combien d’aaS dans votre jeu ?

Quelques liens pour aller plus loin

  • Vous trouverez le liste des ontologies disponibles un peu partout sur le web

http://freedomhui.com/wp-content/uploads/2010/03/CloudOntology.pdf

  • Le livre blanc du Syntec sur le cloud computing

http://www.syntec-numerique.fr/…/SYNTEClivre%20blanccloud_computing_HD.pdf

  • Un rapport gouvernemental sur les technologies en 2015, le chapitre IT est à discuter

http://www.industrie.gouv.fr/tc2015/

  • SaaS et intégration : une présentation

http://www.redcad.org/summerschool09/slides/Bentallah_CTDS09_Mashups%20and%20SaaS.pdf

  • C’est l’heure de se mettre au HAGENDaaS